Résumé : Hervé de La Martinière, figure emblématique de l’édition française, a marqué son époque par son audace et sa vision. Fondateur des Éditions de La Martinière, il a révolutionné le monde du livre en alliant passion et sens des affaires. À travers ses publications incontournables et ses collaborations fructueuses, il a su s’imposer comme un acteur majeur du secteur. Cet article explore son parcours, son impact sur l’édition, ainsi que les réflexions qu’il a suscitées dans le milieu culturel.
Le parcours d’un autodidacte dans le monde de l’édition
Né en 1947 à Courbevoie dans une famille modeste, Hervé de La Martinière ne bénéficie pas d’un parcours universitaire classique. Son père, directeur d’une usine de plastique, lui inculque des valeurs de travail et de curiosité. C’est pourtant sa passion pour la lecture et les livres qui le pousse à entrer dans le monde de l’édition. Autodidacte, il commence sa carrière chez Hachette dans les années 1970, où il découvre les rouages du métier d’éditeur.
Rapidement, il se démarque par son sens inné des affaires et par sa capacité à développer des projets novateurs. C’est en 1992 qu’il fonde ses propres Éditions de La Martinière, avec l’objectif de publier des ouvrages de qualité, alliant esthétisme et profondeur. Contrairement à beaucoup de ses contemporains qui évoluent dans les cercles parisiens, Hervé conserve une approche province. Il privilégie des relations authentiques et durables avec les auteurs, ce qui lui permet de se bâtir un réseau solide.
Son ascension fulgurante dans le milieu de l’édition française lui permet d’acquérir une réputation solide, illustrée par sa capacité à détecter les talents émergents. Hervé de La Martinière ne se contente pas de publier ; il devient un mentor pour de nombreux auteurs, qui lui témoignent leur reconnaissance tout au long de leur carrière. Sa philosophie repose sur l’idée que chaque livre est une rencontre entre un auteur et un lecteur, et il met tout en œuvre pour que cette rencontre soit magique.
La Terre vue du ciel : un succès monumental
Parmi ses publications les plus emblématiques, La Terre vue du ciel de Yann Arthus-Bertrand représente un jalon dans l’histoire de l’édition française. Publié en 1999, cet ouvrage, alliant photographies aériennes époustouflantes et réflexions sur l’environnement, connaît un succès planétaire. La relation entre Hervé et Arthus-Bertrand est exemplaire de leur confiance mutuelle. Arthus-Bertrand, se remémorant les premiers échanges autour de ce projet fou, évoque comment Hervé a soutenu son idée, malgré les réticences initiales de l’industrie.
« Quand je me suis lancé dans La Terre vue du ciel, j’avais hypothéqué ma maison pour financer ce projet. Hervé m’a dit : « Yann, on va publier le livre que tu veux, le format que tu veux, le prix que tu veux ». » Ce soutien indéfectible mène à un premier tirage mémorable de 35 000 exemplaires, qui s’avère rapidement insuffisant, tant le livre rencontre son public. En tout, ce best-seller absolu se vend à environ 3,5 millions d’exemplaires dans le monde entier, ce qui permet à Hervé de La Martinière de consolider sa position dans le secteur.
Ce succès n’est pas qu’une victoire commerciale ; il représente également un tournant dans la vision de l’édition. En effet, grâce aux bénéfices générés par La Terre vue du ciel, Hervé peut financer d’autres projets ambitieux, dont l’acquisition des éditions du Seuil et d’autres maisons associées en 2004. Cela va transformer le paysage de l’édition française, le passé et le futur se rencontrant dans cette vision audacieuse.
Une vision à long terme pour l’édition
La vision de Hervé de La Martinière s’accompagne souvent d’une approche de long terme. Contrairement à d’autres acteurs de l’édition cherchant des résultats immédiats, Hervé privilégie les projets ayant un impact durable. En acquérant le Seuil, il sait qu’il doit composer avec un héritage riche et une histoire profondément ancrée dans le paysage littéraire français.
Olivier Bétourné, qui a dirigé Le Seuil après son rachat, se souvient de ces « relations cordiales et musclées » durant son mandat. Malgré des différences d’approche entre l’héritage littéraire du Seuil et les ambitions commerciales de La Martinière, Olivier souligne qu’ils ont partagé une compréhension mutuelle. Cette collaboration illustre l’idée que la diversité des approches peut mener à une harmonisation bénéfique pour l’édition dans son ensemble.
Hervé de La Martinière, un entrepreneur au sens aigu des affaires
Hervé de La Martinière était également reconnu pour son sens des affaires. Il savait lire les tendances du marché de l’édition et adapter ses stratégies en conséquence. Son sens du timing et sa capacité à anticiper les évolutions du marché lui ont permis de positionner son groupe parmi les leaders de l’édition en France. Au-delà des simples chiffres, il a su créer une culture d’entreprise innovante, où la créativité était encouragée.
La ministre de la Culture, Rachida Dati, a salué son héritage. « Avec la disparition d’Hervé de la Martinière, l’édition perd une figure devenue incontournable. Il a défendu son métier avec l’esprit d’entreprise qui le caractérisait, approfondissant la liberté de création et la diversité culturelle. » Ces mots soulignent l’impact qu’il a eu non seulement sur les maisons d’édition, mais également sur l’ensemble du paysage culturel français.
Un mentor pour les écrivains et un bâtisseur d’avenir
De nombreux écrivains et éditeurs témoignent de l’influence d’Hervé sur leur parcours. Son approche bienveillante, combinée à une exigence professionnelle, a semé les graines de nombreux succès. Marie Leroy, responsable de la création d’un département littéraire en 2014, se souvient d’Hervé comme d’un homme de passion, capable de faire des choix audacieux. « Il voulait que nous croyions en nos projets même avant que le public ne les reconnaisse. » Ce soutien a permis à plusieurs auteurs, tels que Sofia Aouine, de briller littérairement.
Les anecdotes de ses anciens collaborateurs illustrent ce lien particulier qu’il entretenait avec eux. Emmanuelle Vial, ancienne directrice des éditions Points, se remémore les moments passés avec lui, précisant : « Il avait un goût indéniable pour la littérature tout en étant un homme pragmatique, capable de faire des « coups » spectaculaires. » Cette dualité fait partie de son héritage, un héritage qui continue à inspirer les professionnels de l’édition.
Une disparition qui laisse un vide immense
Le 8 mai 2025, Hervé de La Martinière s’est éteint des suites d’une longue maladie, laissant derrière lui un héritage indélébile dans le monde de l’édition. Sa disparition a suscité des réactions émues et des hommages nombreux. Plusieurs personnalités du monde de l’édition ont exprimé leur tristesse et leur admiration pour ce qu’il avait accompli au cours de sa vie. « Il ne se contentait pas de diriger ; il inspirait », a déclaré Lise Boëll, directrice générale de Fayard.
Hervé était bien plus qu’un simple éditeur ; il était un visionnaire qui a su anticiper les évolutions du milieu. Ses acquis contribuent à bâtir les fondations d’une édition moderne. Les Éditions de La Martinière, maintenant intégrées dans le groupe Média-Participations, continuent de porter son empreinte. A travers leurs publications, cette maison poursuit sa quête de diversité et son engagement envers les auteurs, se reposant sur les principes que Hervé a défendus.
Un héritage qui perdure dans le monde littéraire
Son engagement pour la littérature et la culture continuera d’inspirer les nouvelles générations d’éditeurs et d’écrivains. Les succès passés, tels que La Terre vue du ciel, témoignent de l’impact qu’un individu peut avoir sur son domaine. Hervé de La Martinière a non seulement contribué à redéfinir les normes de l’édition, mais aussi à promouvoir une vision moderne et accessible de la culture littéraire.
Un modèle pour les futurs éditeurs
En rendant hommage à Hervé de La Martinière, il est essentiel de considérer les valeurs qu’il a défendues tout au long de sa carrière. La passion pour la lecture, le respect pour les auteurs, et l’aspiration à rendre la culture accessible à tous sont autant de principes qui devraient guider tout éditeur. Les défis auxquels il a fait face, notamment les évolutions numériques de l’industrie, doivent également servir d’exemple pour les futurs acteurs de l’édition.
Il est indéniable qu’Hervé de La Martinière a façonné le paysage de l’édition française. Ses initiatives audacieuses ont ouvert des portes pour des talents variés, et son modèle entrepreneurial continuera à inspirer les éditions comme Flammarion, Grasset, Actes Sud, et bien d’autres. En se remémorant sa carrière, on peut tirer des leçons précieuses sur le courage, l’engagement et la vision nécessaires pour réussir dans un environnement en constante évolution.